Salade Thaï

Olivier Poussier, Meilleur sommelier du monde 2000, présente différents accords entre nouilles soba et des vins espagnols.

Les soba sont des nouilles japonaises traditionnellement composées de farine de sarrasin (soba signifie sarrazin en japonais).

Populaires, elles se dégustent été comme hiver. À la belle saison, elles peuvent être servies froides ; le plat, à la fois nourrissant et désaltérant, se nomme Zaru soba et il est généralement accompagné de tempura de légumes. La recette plus hivernale est appelée Kake soba : le bouillon qui accompagne les nouilles est chaud, souvent agrémenté de morceaux de canard et de poireaux grillés à côté.

Dans les deux cas, l’association mets et vin doit tenir compte du goût prononcé du sarrasin, avec ses saveurs de marron, fruits secs, noisette grillée et miel. La sauce dans laquelle on trempe les nouilles, composée de bouillon dashi aux saveurs de bonite fumée prononcées, de sauce soja et de sauce mirin (une sorte de saké très doux), est un jus concentré en saveurs ; l’accord doit en tenir compte. La seule différence, essentielle, sera d’adapter la température de service du vin selon que les soba sont servies froides ou chaudes. Il faut en effet éviter le choc thermique en bouche, car le contraste n’est pas très heureux. La version chaude demandera un service du vin à température ambiante.

Les plus beaux accords se font sur des vins qui ont vu le voile et une fine oxydation avec le temps.

La sauce réclame des profils de vins persistants et profonds, capables de s’accorder à ses saveurs intenses. Sur les Zaru soba, mon premier choix s’oriente sur une manzanilla pasada provenant du terroir andalou de Balbaína Alta signée Manuel Antonio de la Riva. Une superbe expression du cépage palomino qui possède à la fois la touche indélébile du vieillissement sous voile et une pointe d’oxydation ménagée légitime due à la disparition du voile avec le temps – ce vin a plus de quinze ans de vieillissement.

Toujours en Espagne, mais en Castille-Léon, au nord-ouest du pays, je vous propose, dans l’appellation Rueda, une version ancienne de ce que l’on nomme le rueda pálido (vin fortifié traditionnel élevé sous voile) : Adorado de Menade, élaboré par la Bodegas Menade. Les cépages verdejo et palomino ont été en contact avec le voile, mais celui-ci disparaît au cours du vieillissement et l’oxydation apparaît. Cette solera a commencé en 1967, le premier tirage a eu lieu en 2018. Les saveurs de fruits secs et de rancio de ce vin sont parfaitement capables de se jouer du sarrasin et de la sauce intense marquée par le fumé et le salé du soja.

Pour la version chaude des nouilles, les Kake soba, retournons en Andalousie, à Cadix.

Je vous suggère en effet de déguster le jerez Palo Cortado 30 ans de la Bodegas Tradición, une sublime maison qui produit des vins d’une rare complexité. C’est un Palo Cortado intense, dans lequel le palomino exhale les épices, les fruits secs ; un vin puissant et délicat avec une incroyable “rétro” des saveurs qui s’accordera fort bien avec les soba. Bonne dégustation !