Nous connaissons tous cet abat canaille qui fleurit dans les bistrots, que ce soit le rognon de veau, de bœuf ou de mouton. Le veau reste quand même le plus goûteux et le plus présent sur nos tables. Il existe d’innombrables façon de le cuisiner : à la moutarde, à la sauce madère ou encore à la Baugé (du nom du maître d’hôtel parisien qui créa ce plat), préparé au sautoir avec un flambage en salle. Toutes ces recettes font partie du répertoire de la cuisine française classique.
Les notes de curry et de noix dans les vins jaunes…
Le rognon est le rein de l’animal, son goût et son intensité imposent donc un vin doté d’une vraie personnalité. Dans la recette des rognons à la moutarde, par exemple, le flambage au Cognac et la présence de la moutarde de Meaux et de la crème fraîche nous enseigne déjà sur la démarche à suivre : cette recette ne s’accorde pas avec les vins rouges, comme beaucoup de plats à base de crème, en raison de l’amertume qu’amène la protéine du lait au contact des tanins. Le coté vinaigré de la moutarde influence aussi le goût du vin. Parmi les plus beaux accords que j’ai pu faire, je citerai avant tout les vins blancs de type oxydatifs ou les vins de voile. Un plat avec une sauce à la moutarde réclame un vin de caractère.
…s’accordent très bien avec la moutarde de Meaux.
Je vous propose un excellent vin jurassien, de l’appellation l’Etoile, signé par Nicole Gros et son fils César du domaine de Montbourgeau. Depuis 1989, Nicole élabore cette cuvée spéciale. Le millésime 2012 est savoureux. Le vin reste quatre ans en fûts au contact du voile, ou le chardonnay domine avec une pointe de savagnin. Les notes oxydatives n’y sont pas dominantes et le chardonnay possède une empreinte minérale propre au terroir de l’Etoile. Cela apporte une profondeur et une énergie supplémentaires qui vont trancher sur le gras de la sauce et de la crème. La complexité aromatique apportée par la touche de sotolon (curry, noix) s’accorde très bien avec la moutarde de Meaux. Je vous conseille de servir ce vin à 12°C.
Voici une autre proposition jurassienne avec un vigneron qui maintient une petite production et qui reste un modèle pour la jeune génération. Il s’agit de la cuvée Sacha du domaine Jacques Puffeney. Elle fait appel à un savagnin 2012 qui a vu le voile de façon subtile, avec une pointe de chardonnay plus jeune, qui amène une bonne fraîcheur aromatique mais aussi gustative.
Ce plat ravira également les amoureux de vins jaunes.
Stéphane Tissot m’a fait récemment déguster une horizontale de 2011 fort intéressante, sur les différents terroirs et leur influence sur les profils et les arômes des vins jaunes. Son château-chalon 2011, issu d’une parcelle de Menestru-le-Vignoble, est le plus épuré, mais j’aime aussi sa sapidité en bouche, qui nous fait oublier ce goût de jaune.
Dans un style différent, avec des épices et des notes de curry plus marquées, tout en étant plus large en bouche, sans être pesant, il faut déguster l’Arbois vin jaune La Mailloche, issu d’un terroir d’argile sur lias.
La Revue du vin de France n°625 – Octobre 2018