Le thon rouge est un poisson à la chair merveilleuse, mais il ne faut pas en abuser. À une époque pas si lointaine, sa pêche intensive dépassait largement les réserves naturelles. Aujourd’hui, il fait heureusement partie des espèces protégées. Une raison supplémentaire pour ne pas le gâcher et réaliser, autant que possible, les plus belles associations entre ce poisson et les vins.
Le chef William Ledeuil en concocte une version exceptionnelle : un ventre de thon mariné dans une vinaigrette de kumquat qui donne un côté acidulé et exotique, avec une belle association de saveurs apportées par la garniture. Fabuleux : les petits artichauts révèlent une amertume et un côté ferreux, les fines lamelles de céleri apportent du croquant mais aussi un côté terreux, les lamelles de pomme verte jouent sur l’acidité et les fèves sur les saveurs végétales…
Et dans votre verre ?
En tenant compte de tous les ingrédients qui composent ce plat et de la marinade, choisissez un vin capable de trancher sur la texture grasse du poisson, mais susceptible aussi de rivaliser avec l’aigre-doux de la marinade et de résister au céleri et à l’artichaut. Par exemple un vouvray demi-sec de Philippe Foreau, au domaine du Clos Naudin. Ce millésime délivre des notes de pamplemousse rose, une pointe de pomme de grenier, qui se marient bien aux saveurs du kumquat. Comme tout demi-sec, une légère tendresse se fond sur le côté aigre-doux de la marinade. Le vin garde une très belle tension acide et minérale derrière la douceur. Cela va permettre d’aller chercher l’artichaut et le céleri au plus profond de leurs saveurs.
Cabernet-sauvignon et soja
Plus commun l’été, un joli thon blanc à la catalane décline des saveurs bien sudistes de pulpe de tomate, d’olive noire, de cornichon et de piment. Pour l’accompagner, je vous propose le joli Côtes-du-Roussillon Le Rosé du domaine Gardiès. Cet excellent rosé loin de toute technicité fermentaire dans les arômes est issu de pressurage direct. Composé de cinsault, mourvèdre et grenache noir, il est vinifié en demi-muids où il reste neuf mois. C’est un rosé de caractère, à la fois puissant, épicé et digeste dans sa trame de bouche.
L’été est aussi le moment de savourer un steak de thon rosé à la plancha, préalablement mariné dans une sauce teriyaki qui apporte des touches boisées et fumées. Je vous conseille cette fois-ci un jeune Margaux, encore sur ses arômes balsamiques et boisés. Le côté mine de crayon, graphite du cabernet-sauvignon se marie parfaitement au soja de la sauce teriyaki. Choisissez des millésimes aux tanins bien mûrs, qui contrasteront avec le gras du thon. Essayez l’excellent Château Cantenac Brown et appréciez la magie de l’accord : au contact du gras du thon, les tanins du Margaux se polissent admirablement. Servez-le à 16° C en carafe.
La Revue du vin de France février 2021