Les grands blancs de Provence ont fière allure à table et pourtant ils sont souvent ignorés. Il est vrai que leur production est limitée par rapport aux vins rouges et rosés. Et puis tous les terroirs de cette vaste région n’ont pas la même capacité à produire des blancs affichant une vraie personnalité, un équilibre et un réel potentiel au vieillissement. Récemment en visite autour d’Aix-en-Provence, j’ai pu vérifier la classe de certaines cuvées en remontant le temps.
Blancs de Provence sur artichauts barigoule
Au domaine de Trévallon pour commencer, Eloi Dürrbach produit un vin blanc depuis le millésime 1991. L’évolution de l’encépagement de la cuvée lui a permis de gagner en précision. Depuis 2009, l’apport de Grenache blanc a finalisé l’assemblage actuel. Dégusté en pièce, cépages séparés, le 2016 s’annonce divin ! La fraîcheur et la sapidité des cépages aboutiront à un excellent millésime. Le 2015 offre une jolie amplitude. Accompagnez-le d’artichauts à la Barigoule et de jambon cru de pays. La puissance et le gras du vin arrondissent l’amertume de l’artichaut, ce qui n’est jamais évident. Une belle patine du temps A Saint Rémy-de-Provence, Dominique Hauvette nous a dévoilé la classe de sa cuvée Dolia. Le 2010 évolue sur belle oxydation ménagée, les notes racinaires et de cire de la marsanne. La bouche, très pure, se dévoile sur le côté cristallin de la clairette. Les beaux amers donnent de la persistance et de la fraîcheur. Dégustez-le sur des ris de veau sautés aux morilles. La richesse et la patine du temps se chargeront du côté tertiaire du champignon. Dolia 2004 est plus sur les fruits secs, les céréales, tout tout en conservant sa minéralité. Grâce à ses saveurs et à sa persistance, elle accompagne magnifiquement une tomme de Savoie affinée.
et pissaladière au fenouil
A Jouques, Peter Fisher, du château Revelette, commence par une verticale de sa cuvée Le Grand Blanc. Les millésimes s’enchaînent avec justesse. L’excellent 2015 montre à quel point les conditions de fraîcheur et l’amplitude thermique d’un terroir à 400 mètres d’altitude favorisent l’équilibre du vin, même dans un millésime chaud. Ce banc dominé par le chardonnay reste bien dompté par la pureté de l’ugni blanc et l’aromatique du rolle et du sauvignon. Une pointe de fenouil sauvage avec une bouche où gras et amertume font bon ménage. Avec lui j’imagine une pissaladière de fenouil, anchois et oignons de Cevennes. Le 2012 évolue positivement sur le côté mielleux et encaustique. Le 2010 est sublime avec des notes chaudes de citron confit, ses nuances racinaires et minérales, sa bouche fraîche et digeste. Servez-le avec un chawarma de poulet et coriandre. Un dernier conseil : ces grands vins sont souvent bus avant leur apogée et c’est bien dommage. Sachez les attendre !