La poutargue ou boutargue est une spécialité méditerranéenne connue depuis l’antiquité. En France, c’est la spécialité de la ville de Martigues. La poutargue est une poche d’œufs de mulet salée et séchée. Surnommée caviar de la Méditerranée, c’est un produit rare et luxueux car la pêche du mulet s’avère souvent infructueuse et sa préparation, manuelle est délicate. La poutargue révèle de multiples saveurs, complexes et subtiles. Une certaine puissance qu’il faut savoir gérer et une belle saveur iodée qui donne de la persistance. En cuisine, elle est utilisée tel un condiment, un rehausseur de goût, par exemple sur une brouillade d’œufs ou avec des pâtes.
La poutargue, façon classique
Prenons une recette classique du Sud : les spaghettis à la poutargue, citron râpé et huile d’olive. Ce plat faisant appel à tous les amers méditerranéens, il faut choisir un rosé gouteux, capable de traverser les années pour gagner en complexité. Je vous conseille particulièrement le Bandol rosé 2012 du domaine de Terrebrune, un domaine installé à Ollioules, à quelques encablures de Toulon. Dominé par le cépage mourvèdre, ce rosé est né sur un terroir du Trias, l’un des plus beaux de l’appellation provençale. Il y puise son énergie, son caractère. Vineux, il développe aujourd’hui de superbes arômes minéraux, de quinquina et d’agrumes confits (orange). Grace à sa structure tannique, il apprivoise la poutargue. Mieux, il flatte ses saveurs. Un délice !
La poutargue revisitée
Partons maintenant sur une recette étonnante ou l‘artichaut barigoule est émincé, saupoudré de poutargue et de noisettes du Piémont, et assaisonné d’huile d’olive. Pour s’opposer à la forte personnalité de ce plat, je vous propose un cépage au caractère exceptionnel, présent en Italie et en Slovénie depuis le XIII siècle : le rébula. Un cépage doté d’une trame amère et d’une minéralité incroyable. Dans sa cuvée Opoka 2016, Marjan Simsic en livre une version profonde, un blanc à sensation tannique, avec de beaux amers minéraux, qui se marie parfaitement avec l’artichaut et la poutargue.
Enfin sur un carpaccio de poisson blanc, poutargue râpée et roquette, le Clos Nicrosi de la famille Luigi, dans la région du Cap Corse fera merveilles. Ce blanc a la spécificité de confronter le cépage vermentinu à un terroir marqué par les schistes. Le temps confère une superbe complexité à ce 2010, donc les notes racinaires et d’infusion emboitent le pas de la poutargue avec brio et les beaux amers en bouche se jouent de l’amertume de la roquette. Salute !
La Revue du Vin de France, juillet-août 2019