Olivier Poussier, Meilleur sommelier du monde 2000, présente différents accords entre la salade thaï au bœuf et différents vins blancs.
La salade thaï au bœuf fait partie des plats emblématiques de la cuisine asiatique. Savoureuse, épicée, elle mêle concombre, pousses de soja, vermicelles de riz et bœuf mariné dans le nuoc-mâm, la citronnelle, la menthe, la coriandre et le citron vert. Avec ce plat, l’amateur doit veiller à ne pas tomber dans certains pièges pour imaginer des mariages heureux avec le vin. Le premier laisse à penser que la présence du bœuf appelle un rouge. L’exercice est plus complexe.
Il faut tenir compte de l’importance des autres ingrédients, de l’assaisonnement. La citronnelle, la coriandre, la menthe, le citron vert sont des saveurs trop agressives pour les vins rouges. La sauce nuoc-mâm, les pousses de soja, le concombre, les cacahuètes, les piments multiplient encore les chausse-trappes. Soyons clairs, seuls les blancs issus de cépages finement aromatiques sont capables de gérer cette myriade de saveurs et d’accompagner avec brio une salade thaï sur la longueur. Voici donc plusieurs suggestions.
Un condrieu, bien sûr
Débutons par l’Autriche, avec une belle expression de grüner veltliner, la cuvée Federspiel Ried Loibenberg du domäne Wachau dans le millésime 2021, tardif et froid. Loibenberg est un terroir situé à l’est de la région de la Wachau et exposé sud, au sol composé de gneiss, loess et argile. Vinifié en cuves inox et élevé un an sur lies, ce blanc reflète bien le compromis recherché pour notre accord entre puissance et fermeté minérale, avec une dimension florale et épicée.
Poursuivons en France, à Condrieu. Cette noble appellation de la Vallée du Rhône septentrionale est une mine inépuisable de blancs parfaitement adaptés à notre plat. À l’instar de la belle cuvée DePoncins 2020 signée François Villard. Des quatre condrieux élaborés par ce talentueux vigneron, c’est celui que je préfère. Fermenté en barriques, élevé sous bois et recentré en inox avant la mise en bouteilles, il est l’archétype du condrieu bien mûr. Il offre ces beaux amers de fin de bouche si précieux pour se marier à la salade thaï.
Bluffé par la malagousia
Cap sur la Grèce, près de Corinthe, dans le Péloponnèse, pour découvrir le blanc issu du cépage malagousia de Ktima Kissa, qui façonne de savoureux vins d’altitude sur les pentes de la Mavrovouna (la Montagne Noire). En temps ordinaire, je n’apprécie pas trop la malagousia que je trouve variétale et ennuyeuse, mais j’ai été bluffé par la maîtrise du domaine. Il a vinifié ce 2022 en cuves inox pour obtenir un jus très précis, épuré, parfumé de fines notes de jasmin, glycine et citron qui matchent parfaitement avec les saveurs du plat thaï. Un régal !
Nous terminons en Espagne, à Valladolid, en Castille-León. Là, goûtez la splendide expression de vieilles vignes non greffées du cépage verdejo que vinifie le domaine Barco del Corneta. La vigneronne Beatriz Herranz le dompte à merveille. Elle pratique une fermentation avec levures indigènes en demi-muids pendant douze mois, puis poursuit l’élevage dix mois en masse en cuves avant la mise en bouteilles. Résultat, le verdejo si souvent roboratif est ici d’une pureté incroyable ! Son 2020 offre un accord plein de caractère avec la salade thaï au bœuf.