Thon cru à la Tahitienne, ce plat iconique et historique de la grande île de la Polynésie française met en évidence des saveurs multiples : le thon rouge gras et moelleux de texture, le jus de citron vert, qui confère allonge et acidité, et le lait de coco, qui enrobe le thon tout en marquant le plat de son empreinte gustative. Les légumes, concombre, filaments de carotte et dés de tomate, apportent du croquant. L’ensemble est assaisonné, souligné par l’oignon blanc finement émincé et la coriandre fraîche.
Oubliez le rouge,
En tenant compte de tous ces ingrédients et de la température de service de ce plat frais, l’accord se fera avec un vin blanc ciselé, finement aromatique, capable de trancher sur le gras du thon cru et d’aller chercher le citron vert et la coriandre fraîche. Si le thon rouge fait partie des poissons qui acceptent volontiers les vins rouges, avec cette préparation, il faut tout simplement les oublier !
Pour notre thon cru à la tahitienne, les choix sont multiples, car il existe plusieurs cépages dans le monde qui sont à la fois aromatiques et épurés et dotés d’une bouche tendue, longiligne, à la belle acidité, support de fraîcheur. Parmi toutes ces possibilités, voici mes préférées.
Optez pour la Loire,
En premier lieu, le sancerre Monts Damnés 2014 du domaine Gérard Boulay. Ce vigneron talentueux produit un vin épuré dans lequel le sauvignon subsiste de façon millimétrée. Car il sait s’effacer devant la dimension de son terroir d’argilo-calcaires kimméridgiens. À Chavignol, où est établi Gérard Boulay, le millésime 2014 a produit un vin équilibré avec l’énergie et la complexité que je recherche pour ce plat.
l’Australie méridionale,
Partons maintenant en Australie méridionale, où le riesling trouve ses lettres de noblesse dans divers secteurs d’altitude au nord et à l’Est d’Adelaïde. Car une belle expression de ce cépage tranchant avec une aromatique citronnée fait également un accord fabuleux avec le thon cru à la tahitienne. Je vous emmène dans la Clare Valley, au nord de la célèbre Barossa Valley, une région où les différences climatiques et géologiques sont très importantes. J’aime beaucoup les vins de Jeffrey Grosset. Son domaine, situé à Auburn, est certifié bio. Parmi ses différents rieslings, ma préférence va à la cuvée Polish Hill 2015, qui provient d’un terroir d’altitude composé de schistes et d’argiles ardoisiers. Le vin, cristallin, aux nuances florales et citronnées, se montre droit et incisif, sans austérité.
Ou encore le Japon.
Pour un accord plus exotique, mais qui garde une belle relation avec le plat, je vous propose enfin un vin japonais du secteur de Yamanashi, au centre de l’île de Honshu, issu d’une sélection parcellaire de koshu (cépage rose très courant au Japon) planté aux abords du village d’Akeno : la Cuvée Misawa 2016 de Grace Wine. Ce vin finement aromatique, aux notes de fruits blancs, fenouil et citron, se dévoile sur une bouche tendue. Sec et incisif, sans excès de générosité, ce koshu démontre que la dimension terroir existe avec ce type de cépage. Kampaî !
La Revue du Vin de France juin 2018