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Poisson gras très intéressant avec le vin, l’anguille inspire à Olivier Poussier, meilleur sommelier du monde, plusieurs beaux accords.  Poisson serpentiforme aux mœurs surprenantes, l’anguille naît et évolue en eau douce, mais se reproduit en mer. C’est un poisson gras aux valeurs nutritives intéressantes : il est riche en oméga-3 et en acides gras mono-insaturés. C’est aussi un poisson calorique, surtout s’il est fumé.En gastronomie, l’anguille est préparée de différentes façons. Les Japonais qui l’adorent lui dédient même une journée en été. La date, qui n’est pas fixe, symbolise le milieu de l’été.

Filets grillés et recouverts de Mirin

Il n’y a pas de sashimi d’anguille au Japon car son sang est toxique. Là-bas, l’unagi (anguille) est préparée en filets. Ces filets sont grillés et recouverts de mirin (alcool de riz sucré) et de sauce soja. Ils sont donc caramélisés et laqués avant d’être déposés sur du riz. À la dégustation, une certaine douceur s’installe en bouche et le côté caramélisé engendre des notes chocolatées… Il faut donc associer à ces filets un vin à la patine évoluée, avec une touche d’oxydation ménagée qui ira dans le sens des saveurs du mirin. Le vin doit aussi être sec pour trancher avec le gras de l’anguille.

En premier choix, je partirai sur un jerez oloroso Antique du domaine espagnol Rey Fernando de Castilla. Cet oloroso sec, qui n’a que 5 grammes de résiduel, possède la patine d’un vin resté vingt ans en solera. Sa palette complexe, sur des notes de caramel, de fruits secs torréfiés, de bois précieux, se marie parfaitement avec la sauce mirin. Sa texture s’oppose au gras du poisson, c’est ce qu’on recherche !

Mon deuxième choix est portugais : il s’agit du madère Sercial Dry 10 ans d’âge de chez Barbeito. Ricardo Freitas nous régale avec la pureté et l’équilibre de ce Sercial qui a passé quatorze années en fûts. Le vin offre une attaque finement suave, bien contrebalancée par une belle acidité.

Sur une salade de mâche et anguille fumée, une belle spécialité française, le côté fumé du bois s’impose, mais l’anguille reste grasse et l’accord doit donc être dans le contraste. La pointe de végétal et l’assaisonnement sont aussi à prendre en compte. Un vin tranchant et incisif s’impose. Tel le muscadet Sèvre-et-Maine sur lie Clos des Briords 2014 du domaine de la Pépière. Ce vin longiligne, pointu, est issu d’une vigne de plus de 60 ans qui épouse le granit. Sa texture ciselée, dotée de jolis amers, s’oppose parfaitement à l’anguille fumée.

Si l’anguille est travaillée en matelote de vin rouge avec des petits oignons et des lardons, il faut alors opter pour un vin jeune, capable de rafraîchir cette sauce réduite et mijotée, mais aussi tannique pour contraster avec la texture de l’anguille. Par exemple, l’anjou-villages Côte de la Houssaye 2015 du domaine Vincent Ogereau. Cette cuvée encore sur des arômes primaires a la particularité d’être issue à 100 % de cabernet-sauvignon. C’est un vin dense, serré, qui possède des tanins bien mûrs grâce à ce millésime solaire.Son sol de schistes lui octroie beaucoup de fraîcheur et de tension.

La pleine saison de dégustation de l’anguille débute en ce mois de mai, régalez-vous !

La Revue du vin de France n°620

Et d’autres accords dans ce blog sur les vins espagnols